Les paysages que nous connaissons au cœur du Massif armoricain sont l’aboutissement de plusieurs centaines de millions d’années d’histoire géologique. Le dernier épisode de cette longue histoire, qui structure une grande partie du territoire du Geopark Armorique, est celui associé à la formation de la Chaîne hercynienne (330-300 Ma).
Cette chaîne de montagne est née de la collision entre deux supercontinents au cours du Carbonifère (359 – 299 Ma) : la Laurussia (Avalonia) au nord avec le Gondwana au sud (Fig.1). Entre ces deux supercontinents existait une microplaque tectonique Armorica, qui correspond actuellement aux Domaines Nord-Armoricain (DNA), Centre-Armoricain (DCA) et du Léon (Fig.2). À la fin de l’Ère primaire, cette longue chaîne de montagnes a constitué la dernière grande cicatrice du continent unique nouvellement apparu, réunion de toutes les plaques tectoniques : la Pangée.
Ainsi, suite à la fermeture de l’Océan Rhéic (Fig.1) amenant la collision entre Armorica et Avalonia (début de l’orogénèse hercynienne), de nombreux magmas se sont formés et mis en place en Armorique, avec notamment les massifs plutoniques de Plouaret, Commana-Plounéour et Huelgoat (Fig.2).
Une étude pétrologique et géochimique du complexe plutonique de Commana-Plounéour/Plouaret
Formant initialement un seul et même complexe plutonique, les massifs de Commana-Plounéour (également appelé granite des Monts-d’Arrée) et de Plouaret sont aujourd’hui décalés d’une vingtaine de kilomètres par le Cisaillement-Nord-Armoricain (CNA, Fig.2). Au passage du CNA, la formation de Lannéanou fortement déformée, permet la jonction entre le massif de Commana-Plounéour et celui de Plouaret.
L’étude structurale de quelques échantillons prélevés dans la formation de Lannéanou (Fig.3) a permis de mieux comprendre les relations entre la tectonique (CNA) et le magmatisme à l’origine de ces massifs. On constate en effet la présence de deux sens de cisaillement senestre et dextre, provoquant respectivement un décalage vers l’ouest et vers l’est du compartiment nord. Ces sens de cisaillement conjugués (sénestre/dextre) auraient fonctionné lors de la collision entre Armorica et Avalonia, avec une compression (σ1) d’axe nord-sud. Ainsi, ce serait dans ce régime de contraintes que les magmas à l’origine des massifs de Commana-Plounéour et de Plouaret auraient cristallisés (étape 1 et 2, Fig.3).
La convergence serait par la suite devenue plus oblique (NO-SE), et mettrait fin à ce système de cisaillements conjugués. La totalité de la déformation (dû à la chaîne de collision) aurait par la suite été accommodée par une unique faille, c’est la naissance du cisaillement-nord-armoricain (étape 3, Fig.3). Contemporainement à l‘intrusion du massif d’Huelgoat, le CNA décalera ensuite le massif de Commana-Plounéour de celui de Plouaret d’une vingtaine de kilomètres.
D’où proviennent ces magmas à l’origine de ces massifs ?
Afin de déterminer l’origine des magmas présents dans les massifs plutoniques de Plouaret, Commana-Plounéour et Huelgoat, des lames minces de roches ont tout d’abord été étudiées au microscope optique. Ces observations ont permis de déterminer les assemblages minéralogiques caractéristiques de chaque faciès.
On constate alors de grandes différences quant aux compositions minéralogiques des différents faciès :
- Des monzodiorites riches en amphibole, biotite et plagioclase. (Fig.4.A)
- Des granites constitués de quartz, feldspath alcalin et plagioclase, biotite et/ou cordiérite. (Fig.4.B et D).
- Des leucogranites riches en quartz, muscovite, feldspath alcalin et plagioclase et biotite. (Fig.4.C).
En complément de ces observations minéralogiques au microscope, ces mêmes échantillons de roches été analysés pour les éléments majeurs, en trace et les compositions isotopiques du Strontium (Sr) et du Néodyme (Nd). Ces différentes analyses géochimiques ont permis de retracer l’évolution de ces magmas, depuis leur formation jusqu’à leur mise en place.
A la suite de la fermeture de l’Océan Rhéic préludant la future collision entre Avalonia et Armorica, la subduction continentale d’Avalonia à contaminé le manteau lithosphérique d’Armorica. Ce processus se nomme métasomatose. La fusion partielle de ce manteau métasomatisé a donné naissance aux magmas à l’origine des monzodiorites du massif de Plouaret.
Par la suite, les roches de la croûte continentale se sont mises à fondre (à cause d’une augmentation de température au cours de l’orogénèse hercynienne), donnant naissance aux magmas granitiques et leucogranitiques (étape 2 et 3, Fig.3). Des faciès intermédiaires comme les granodiorites de Bégard et de Ploubezré présents dans le massif de Plouaret résulteraient de processus de mélange magmatique entre les magmas d’origine mantellique et ceux d’origine crustale (étape 1, Fig.3).
Originellement localisés à plusieurs kilomètres de profondeurs, les massifs plutoniques de Plouaret, Commana-Plounéour et Huelgoat nous sont à présent accessibles à la suite d’une érosion qui s’est étalée sur environ 300 millions d’année. Il nous permettent de mieux comprendre comment s’est formée la grande chaîne de montagnes qui prenait place à la fin du Carbonifère en Armorique.
Cette étude ayant invalidé les anciens âges obtenus sur le massif de Plouaret et d’Huelgoat, de futurs travaux de datation seront menés sur les trois massifs afin de pouvoir replacer précisément ces roches dans la grande histoire de la Chaîne Hercynienne dans le Massif armoricain.
Pour aller plus loin
- Guillet, P., Bouchez, J.L., Vigneresse, J.L., 1985. Le complexe granitique de Plouaret (Bretagne) ; mise en évidence structurale et gravimétrique de diapirs emboités. Bulletin de la Société Géologique de France (1985) I (4): 503–513. https://doi.org/10.2113/gssgfbull.I.4.503
- Ballèvre, M., Bosse, V., Dabard, M.-P., Ducassou, C., Fourcade, S., Paquette, J.-L., Peucat, J.-J., Pitra, P., 2013. Histoire géologique du Massif armoricain : actualité de la recherche. Bull. Société Géologique Minéralogique Bretagne Société Géologique Minéralogique Bretagne (D), 5–96.
- Caroff, M., Barrat, J.-A., Le Gall, B., 2021. Kersantites and associated intrusives from the type locality (Kersanton), Variscan Belt of Western Armorica (France). Gondwana Research, 98: 46-62. https://doi.org/10.1016/j.gr.2021.06.004
Auteur de l’article : Nicolas Esteves, sous la direction de Martial Caroff (UBO).
Ce travail de recherche et d’inventaire mené depuis 2020 aux côtés de l’Université de Bretagne Occidentale contribue à la connaissance scientifique du Geopark Armorique et à sa transmission.