Rare exemple de magmatisme contemporain de déformations dans une chaîne de montagnes
Bernard Le Gall, CNRS/UBO, Géosciences Océan, IUEM, Brest
La formation des chaînes de montagnes, consécutive à la convergence de plaques tectoniques, s’exprime par le raccourcissement de la croûte via des plis et des failles. Ces déformations sont généralement accompagnées en profondeur par l’injection de magmas sous forme d’intrusions granitiques. Ce magmatisme crustal est bien représenté au niveau du segment hercynien armoricain, érodé depuis 300 millions d’années (Ma), par les grands massifs granitiques du Léon (Aber-Ildut) ou de Centre (Huelgoat) et Sud (Pontivy) Bretagne.
Mais, l’édification des orogènes peut aussi s’accompagner d’un autre type de magmatisme, beaucoup plus rare, exprimé par des réseaux de filons, de dimensions plus réduites, d’affinités chimiques plus basiques et injectés à travers les niveaux plus superficiels de la croûte déformée. Ce type de filons est présent, de façon exceptionnelle, dans les anciennes séries sédimentaires (Ordovicien-Dévonien, 485-360 Ma) de la Rade de Brest, à l’extrémité occidentale du segment hercynien armoricain.
Paradoxalement, le complexe filonien de la Rade de Brest n’a été que peu étudié à ce jour. Son étude pétrographique/géochimique (Caroff et al.) et structurale (Le Gall et al.) est actuellement entreprise dans le cadre du Geopark Armorique.
Une centaine de filons individuels y ont été recensés, comprenant en quantité à peu près égale des roches de type kersantite et microgranodiorite (Pierre du Roz) (Photos A, B). Leur étude structurale comporte deux volets complémentaires.
Il s’agit dans un premier temps de définir leur géométrie (orientation, inclinaison, épaisseur, ..). La totalité des filons mesurés présentent une épaisseur moyenne de quelques mètres, tandis que leur inclinaison est très variable depuis une position horizontale jusqu’à la verticale (Photo B).
Le second volet est primordial car il consiste, à partir des relations géométriques entre les filons et les structures tectoniques (plis et failles) des roches sédimentaires encaissantes (Photos A, B), à établir la chronologie relative des évènements tectoniques et magmatiques. Nos résultats démontrent la contemporanéité des deux processus, mettant ainsi en exergue le caractère tout à fait original du complexe filonien de la Rade de Brest. Malgré ce calendrier particulier, l’on constate que la grande majorité des filons ne sont pas eux-mêmes déformés. Ceci est dû à deux causes : i) les filons se sont injectés à un stade tardif de la déformation (postérieurement au plissement), et ii) les déformations ont affecté de façon préférentielle le matériau mécaniquement le moins résistant, à savoir les roches sédimentaires.
Comme tous les complexes filoniens, celui de la Rade de Brest était connecté à des conduits d’alimentation principaux le long desquels le magma a transité sur plusieurs kilomètres (voire dizaines) à travers la croûte depuis des chambres magmatiques profondes vers la surface. Concernant le complexe de la Rade, deux zones d’alimentation sont envisagées compte tenu de la répartition spatiale hétérogène des filons ; l’une le long de sa bordure occidentale en liaison avec la faille de l’Elorn, l’autre dans sa partie centrale au niveau de la zone du Roz.
En conclusion, nos travaux devraient fournir des informations pertinentes pour mieux comprendre les conditions de mise en place des complexes filoniens dans des contextes compressifs en relation avec la convergence/collision de plaques.